Victoire du Roi Mérovée
Monture d'armoire en bronze argenté, Emmanuel Frémiet, 1867. Metropolitan Museum of Art
Mérovée (ou encore Merowig, Mérovech), né vers 412 et mort en juillet 457, est considéré comme le deuxième roi des Francs saliens. Son existence est entourée de tant d'obscurité que certains historiens en ont fait un roi légendaire. Il aurait régné de 448 à 457.
Mérovée a donné son nom à la dynastie des Mérovingiens. Les rois mérovingiens n'ont jamais contesté son existence et se glorifièrent d'appartenir à sa lignée.
Le nom de Mérovée peut se traduire par « fameux au combat » ou « combattant réputé ». Il proviendrait du francique mare, méere « réputation », « message » et vech « bataille », « combat ».
Peu de documents attestent de l'existence de Mérovée. Grégoire de Tours dans ses Dix Livres D'Histoire lui concède une brève référence et en fait le descendant possible de Clodion le Chevelu : « Certains prétendent que de sa lignée est sorti le roi Mérovée […] ».
Une légende, relatée à une époque plus tardive — la chronique de Frédégaire (III, 9) en parle au VIIe siècle — entretient le doute quant à la réelle existence de Mérovée : sa mère, l'épouse du roi Clodion, déjà enceinte, fut séduite par une « bête de Neptune semblable au Quinotaure » alors qu'elle se baignait dans l'océan. Enceinte une deuxième fois, les deux sangs se mélangèrent pour donner naissance à une nouvelle dynastie dont les membres étaient investis de grands pouvoirs et d'une aura de magie et de surnaturel, caractéristique des Mérovingiens.
Certains historiens se réfèrent au vieil allemand supérieur pour faire de Mérovée un personnage mythologique qui serait le fils de la mer (mari en Franc), c'est-à-dire un dieu ou un demi-dieu que les Francs honoraient avant leur conversion au christianisme. Selon Godefroid Kurth, « Tous les peuples primitifs ont cru à l'origine surnaturelle de leur dynastie. Leurs rois étaient les descendants des dieux : c'était leur principal titre à l'obéissance des guerriers, c'était aussi le plus beau titre de noblesse de la nation elle-même ».
Il a également été suggéré que Merowig soit une référence à la Merwede, une rivière néerlandaise dont le cours initial correspondait, si l'on en croit les historiens romains (?), à l'aire dans laquelle résidaient alors les Francs saliens. Là encore, l'étymologie ne semble pas corroborer cette thèse.
L'existence réelle de Mérovée ne serait pas à exclure. Une généalogie austrasienne réalisée entre 629 et 639 mentionne que « Chloio est le premier roi des Francs. Chloio engendre Glodobode. Ghlodobedus engendre Mereveo. Mereveus engendre Hilbricco. Hildebricus engendre Genniodo. Genniodus engendre Hilderico. Childericus engendre Chlodoveo… ». Pour le généalogiste Christian Settipani il s'agirait d'une liste de rois saliens dans laquelle les filiations auraient été établies postérieurement à sa constitution. La généalogie serait ainsi à corriger de la manière suivante : « Clodion engendre Clodebaud et Mérovée. Mérovée engendre Childéric… »
Priscus fait allusion à des événements qui se produisirent dans un royaume franc à l'époque de Mérovée : « Le prétexte d'Attila pour sa guerre contre les Francs fut la mort de leurs rois et la dissension qui s'éleva entre ses fils pour la suprématie. L'aîné décida de s'allier à Attila, cependant que le second se tournait vers Aetius. Nous rencontrâmes ce dernier lorsqu'il vint en ambassade à Rome. Son visage était encore recouvert d'un duvet, et sa chevelure blonde était si longue qu'il en faisait des tresses. Aetius en fit son fils adoptif et, tout comme l'empereur, le combla de présents et le renvoya comme un ami et un allié ». Les historiens sont partagés sur la question de savoir si Mérovée est l'un des protagonistes de ce récit :
- certains comme Erich Zöllner pensent que comme le royaume des Francs rhénans se trouve sur le chemin d'Attila, au contraire de celui des Francs saliens, ce passage concerne des rois des Francs rhénans ;
- d'autres comme Émilienne Demougeot pensent que Mérovée est le roi mort en 451 et son fils Childéric est le fils adoptif d'Aetius ;
- enfin, Christian Settipani estime que, si on considère que le fragment s'applique aux Francs saliens, ce dont il n'est pas sûr, chronologiquement, Clodion est le roi mort en 451 et Mérovée est le fils allié de Rome.
Qu'il soit l'un des princes francs mentionné par Priscus ou non, Mérovée se serait installé en Gaule belgique, dans la région du Brabant et aurait établi sa résidence à Tournai.
En 451, les Huns d'Attila envahissent la Gaule romaine, Mérovée les rencontre et les bat au cours d'une bataille entre Corbie et Roye, dans la plaine du Santerre. Enfin, Mérovée aurait commandé les Francs qui s'étaient alliés aux Gallo-Romains et à d'autres Germains, lors de la sanglante bataille que le général Aétius gagna sur Attila en 451, aux champs Catalauniques (une plaine près de Châlons-en-Champagne et de Troyes).
Grâce à cette union guerrière entre envahis et anciens envahisseurs, le « grand-roi » de l'Empire hunnique fut défait et se replia définitivement vers l'est de l'Europe : le terrible « fléau » était vaincu. Cette victoire scelle définitivement l'implantation de ces Germains francs, désormais solidement installés dans la Gaule du nord que l'Empire romain en pleine décadence leur abandonne : il n'en reste alors que le royaume de Syagrius.
Les rois de la première dynastie franque sont appelés Mérovingiens, en l'honneur de ce roi, qui donne un territoire à son peuple et le fait entrer par la grande porte dans l'Empire romain. Son fils Childéric Ier lui succède en 457.
https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_2014_num_92_4_8602