La chasse fantastique, chasse aérienne, chasse sauvage dans la désignation générique, est un mythe populaire européen impliquant un groupe fantomatique ou surnaturel de chasseurs qui mènent une poursuite sauvage. Les chasseurs peuvent être des elfes, des fées ou des morts, et le chef de la chasse est souvent une figure associée au dieu germanique Wotan.
La légende est présente dans un grand nombre de pays, le Centre et le Nord de l'Europe, et dans la plupart des régions de France, l'Ouest et le Sud-Ouest, le Centre et l'Est. Elle est attachée à de nombreux phénomènes naturels tel le fracas d'une tempête nocturne, d'un grand vent, parfois d'un vol d'oiseaux migrateurs, assimilés au passage de cavaliers en chasse et de meutes de chiens emportés dans les airs à la suite d'une malédiction. Ces légendes, issues d’un fonds commun, portent des noms très variés. De nature syncrétique, ces récits ont été soumis à des réorganisations et des intégrations successives par les dogmes religieux dominants.
Le thème de l’armée des défunts, menés par leur dieu Odin (Wotan), passant avec fracas dans le ciel nocturne autour du solstice d’hiver, est anciennement connu dans l’ensemble de l’aire germanique. Le germaniste et médiéviste Otto Höfler a rapproché la légende et ses variations folkloriques plus tardives des cultes antiques liés aux compagnonnages guerriers indo-européens, ainsi que des cultes des morts.
Cette analyse est reprise par l'historienne des religions Kris Kershaw, qui étend son étude à d'autres compagnonnages guerriers du monde indo-européen, tels que les Maruts en Inde. Ces cultes importants dans la vie religieuse pré-chrétienne ont trouvé par la suite une continuité dans les légendes de chasse fantastique et les manifestations de Mardi Gras et du Carnaval.
Certaines chasses fantastiques sont essentiellement composées de femmes et conduites par des domina - figures féminines tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Ces chasses fantastiques féminines reposaient sur la croyance aux alter egos et à la faculté magique de se dédoubler pour commettre des méfaits. A la manière des Benandanti au XVIe siècle, ces femmes semblables à des sorcières s'affrontent dans un combat nocturne surnaturel dont l'issue détermine la fertilité des récoltes. Ces troupes peuvent être guidées par Holda, Diana, Hérodiade, Satia ou Dame Abonde, Pertch ou Pertcha en Allemagne. Leurs chasses nocturnes se caractérisent par des festins et la consommation de nourriture et de boissons dans les demeures qu'elles envahissent la nuit. D'après Claude Lecouteux, ces récites mythiques ont une fonction calendaire et divinatoire : dans l'Occident médiéval, tables et festins sont ainsi dressés pour attirer les faveurs des Dames de la Nuit dont dépendra la fertilité des sols, des troupeaux et des hommes.
Dans la majorité des cas, un personnage enfreint une loi sacrée : grand chasseur, il assiste à la messe, lorsqu'il entend un signal, ses valets ont levé un gibier. Le personnage n'écoutant que son instinct de chasseur quitte la messe, suivi de tout son entourage, pour sauter sur son cheval et partir à la chasse. La punition du sacrilège ne se fait pas attendre : le personnage, ses compagnons, leurs valets, chevaux et chiens, sont emportés par une puissante tempête qui ne prend jamais fin, souvent à la poursuite d'un gibier qu'ils n'atteignent jamais, dans un supplice semblable à celui de Tantale. C'est cette chasse hurlante que l'on entend passer, la nuit, quand se déchaîne la tempête. Chaque version développe ensuite des détails différents.
On évoque parfois le sort des personnes qui se trouvent présentes lors du passage de la chasse, et des moyens d'échapper à une mort certaine : en faisant des moulinets au-dessus de sa tête avec un bâton ou avec son bras, en traçant un cercle sur le sol, en présentant une croix, etc. Les imprudents qui réclament une part du gibier (Part à la chasse !) voient tomber des cadavres humains, entiers ou en morceaux.
Il existe un autre thème de chasse maudite. Celle-ci n'est pas « volante », mais se fait dans les bois et les forêts, toujours à grand bruit, et sans qu'on la voie. Il n'est jamais souhaitable de se trouver sur le passage de cette chasse. Elle est en général le fait d'un pacte passé avec le Diable, qui condamne l'imprudent à parcourir la forêt en chassant, à certaines heures et dates fixées. Ce sont souvent des prêtres ou des moines qui sont tombés dans ce piège : ainsi, un moine de l'abbaye de Laval Dieu, qui aimait la chasse, voit une bête et s'écrie : « Le Diable m'emporte si ce n'est pas un loup ! » Or, c'était un renard. Le Diable surgit et menace d'emporter le moine, puis lui offre de ne prendre son âme qu'au jour de sa mort, mais en contrepartie il devra faire treize fois le tour des bois en criant « Taïaut ! », comme s'il chassait. C'est donc ce qu'il fait. Dans le pays, on l'entend, mais on ne le voit jamais. On lui a donné le nom d'Ouyeu : « le Crieur ». En Espagne, la Santa Compaña est une procession de morts.
En Bretagne, il existe des légendes qui cependant n'ont pas trait à la chasse, comme celle du passage de l'Ankou sur sa charrette, ou celle, près de la baie des Trépassés, des chiens des équinoxes (chas an Geidell), qui de l'enfer tentent vainement d'atteindre le ciel.
Les chasses constituées uniquement de chiens sont fréquentes (la chasse à Briquet, Poitou) : en ce cas, il faut attacher le chien de la maison, sinon il rejoindrait ses congénères.
En dehors d'une chasse proprement dite (poursuite d'un gibier), on a alors un cortège de damnés errants ou conduits en enfer, ou des enfants morts sans baptême à qui le Paradis a été refusé, et qui errent sans fin en gémissant.
Claude Lecouteux, Chasses infernales et cohortes de la nuit au Moyen Âge, Paris, Imago, 2013, 258 p.
Régis Boyer, Héros et Dieux du Nord : Guide iconographique, Flammarion, coll. « Tout l’Art », 1997, 192 p., « Chasse sauvage ou horde sauvage », p. 32.