Vinland

 

Vinland est le nom donné par le Viking islandais Leif Erikson au territoire qu’il explora le premier autour de l’an 1000. Des fouilles ont permis de retrouver des traces de la présence des Vikings à L'Anse aux Meadows et à Pointe Rosée sur l'île de Terre-Neuve au Canada. On continue à débattre s’il s’agit là du Vinland de Leif Erikson (ou s'il s'agit plutôt de la colonie fondée par Þorfinnr Karlsefni), dont certains ont situé les divers emplacements possibles sur une aire géographique allant du Labrador à la Floride.

Les spécialistes s'accordent toutefois pour penser que le Vinland doit se situer dans la région du golfe du Saint-Laurent et guère plus bas que la Nouvelle-Écosse. Les Vikings n’ont pas perçu, à l’origine, l’exploration et la colonisation du Groenland et du Vinland comme différentes de la fondation et de la colonisation de l’Islande. Il ne s’agissait pour eux que de prolonger leur territoire. Il faudra la rencontre des autochtones amérindiens, très différents des moines d’Irlande, pour que s’impose à eux la notion de découverte.

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Le Vinland est mentionné pour la première fois par le géographe et historien allemand Adam de Brême dans son livre Descriptio insularum Aquilonis (Description des îles septentrionales) rédigé vers 1075. « Praeterea unam adhuc insulam recitavit a multis in eo repertam occeano, quae dicitur Winland, eo quod ibi vites sponte nascantur, vinum optimum ferentes » (Par ailleurs, il a également signalé une île découverte par de nombreux marins dans cet océan, qui est appelé Vinland, pour la raison que les vignes y poussent par elles-mêmes, produisent le meilleur vin). Pour l’écrire, il a rendu visite au roi Sven II de Danemark, qui avait connaissance des terres nordiques. La source principale d’informations sur les voyages des Vikings au Vinland provient de deux sagas islandaises, la Saga d'Erik le Rouge et la Saga des Groenlandais, rédigées approximativement deux siècles et demi après la colonisation du Groenland. La combinaison de ces deux sagas semble montrer qu’il y eut quelques tentatives séparées de colonisation norvégienne du Vinland, y compris par Þorfinnr Karlsefni, dont aucune ne dura plus de deux ans. Il y a probablement plusieurs causes au départ de la petite colonie viking. Les sources écrites font mention de désaccords parmi les hommes au sujet des quelques femmes faisant partie de l’expédition ainsi que de conflits avec les populations autochtones (amérindiennes) auxquelles les sagas prêtent le nom de Skrælings.

Leifur Eiriksson

L’histoire raconte qu’après la colonisation du Groenland par les Vikings, un négociant du nom de Bjarni Herjólfsson, en chemin du Groenland vers l’Islande, découvrit accidentellement la côte est de l’Amérique en 985 ou 986, après avoir été détourné par une tempête. Il raconta ensuite son histoire et vendit ses vaisseaux à Leif Ericson, qui partit à son tour vers ces régions. Comme c’était la fin de l’été, il partit pour le Groenland qu’il réussit à atteindre avant l’hiver, mais renonça à débarquer au Vinland, ne voulant pas passer l’hiver dans cette nouvelle terre, qu’il décrivit ensuite comme couverte de forêts. L’approvisionnement en bois au Groenland étant très restreint, les colons étaient attirés par la richesse de cette nouvelle terre. Quelques années plus tard, Leif Ericson explora cette côte et y établit une colonie de courte durée sur une partie qu’il appela Vinland.

La première découverte faite par Leif était, selon les histoires, le Helluland (« terre de la pierre plate »), probablement l’île de Baffin. Ensuite, le Markland (« terre du bois »), probablement le Labrador, fut découvert (il existe des preuves de réduction ou d’amoindrissement de la limite des arbres dans le nord du Labrador aux environs de l’an 1000) et pour finir, le Vinland (généralement traduit par « terre de la vigne » en référence à la découverte éventuelle de vigne des rivages, la vitis riparia, mais interprété par d’autres comme un mot dérivé du vieux Norrois vin - avec un i bref, donnant « terre de pâturage » ou « terre des prairies »). Comme les autres dénominations des terres découvertes, le Vinland recouvre une aire géographique assez vaste, correspondant aux terres situées autour du golfe du Saint Laurent. L’expédition comprenait des familles et du bétail en vue d’entamer une nouvelle colonisation. Deux colonies auraient, selon les textes, été fondées au Vinland. Une au Nord, sans doute celle de l'Anse aux Meadows à Terre-Neuve, qui fut appelé Straumfjörð par Þorfinnr Karlsefni, en raison des forts courants qu'on y trouvait (ce qui correspondrait assez aux courants du détroit de Belle-Isle). Plus au sud, la seconde colonie est nommée Hop par les sagas. Cette dernière aurait en fait été fondée en premier et correspondrait au lieu d'implantation de Leif, c'est-à-dire au « véritable » Vinland. C'est ce site qui reste à découvrir aujourd'hui. Les recherches les plus récentes proposent, entre autres hypothèses, de l'identifier avec le site actuel de Bay St Lawrence au nord de l'île du Cap Breton en Nouvelle-Écosse (cette hypothèse reste à confirmer par l'archéologie, il n'a en effet jamais été entrepris de fouilles à cet endroit). Trois chefs Vikings hivernèrent réellement au Vinland, le deuxième étant Thorvald Ericsson, le frère de Leif, qui fut tué au cours du second été et le dernier Þorfinnr Karlsefni. En ne se fiant qu'aux sagas dont le but n'était pas d'établir la chronique d'un pays mais de magnifier les faits et gestes d'une grande famille, on pense traditionnellement que l’idée de colonisation fut néanmoins rapidement abandonnée en raison des conflits avec les Skrælings (peut-être des Béothuks, des Dorset ou plus vraisemblablement des Micmacs).

Nous ne connaissons en détail que les voyages racontés par les sagas du XIIIe siècle pour des raisons qui leur sont propres, mais nous avons quelque indices montrant qu'il y en eut d'autres pendant longtemps. C'est ainsi qu'une monnaie datée de 1065 à 1080 du roi de Norvège Olaf III Kyrre, en circulation aux XIIe et XIIIe siècles, fut percée pour être portée en pendentif et parvint jusqu'au site amérindien de Goddard à Brooklin, dans le Maine, où elle fut surnommée le « Maine penny ». En 1121, Erik Gnupsson, évêque du Groenland et des régions voisines, partit « à la recherche du Vinland », ce que ses biographes postérieurs ont ensuite interprété comme une tournée d'évangélisation dans une ancienne colonie et la fondation de nouvelles. En 1342, selon un texte aujourd'hui disparu, mais qui a été recueilli au XVIIe siècle et a paru vraisemblable à cette date, des habitants du Groenland émigrent en Amérique. En 1347, un petit navire groenlandais chargé de troncs d'arbres monté par dix-sept ou dix-huit hommes fut directement poussé par la tempête du Markland jusqu'en Islande où il aborda, ce qui laisse supposer des relations longtemps maintenues, surtout pour s'approvisionner en bois qui manquait au Groenland.

Avant le début du XIXe siècle, l’idée d’une colonisation viking de l’Amérique du Nord fut considérée par les historiens comme relevant du folklore, jusqu’à l’élaboration en 1837 d’une première hypothèse sérieuse par l’historien de la littérature et archéologue danois Carl Christian Rafn dans son ouvrage Antiquitates Americanæ, où il concluait, après une étude en profondeur des sagas, ainsi que des lieux possibles de colonisation de la côte nord-américaine, que le Vinland était un endroit réel d'Amérique du Nord qui avait été colonisé par des Norvégiens.

Cette célèbre carte marine montrant les côtes nord-américaines et les îles de l’Atlantique fut l’objet d’études multiples. Elle est déposée actuellement à la Bibliothèque Beinecke de livres rares et manuscrits de l'université Yale. D’aucuns y virent une carte authentique datant toutefois du début du XVe siècle d’après un portulan du XIIIe siècle, alors que d’autres y virent une supercherie du XXe siècle.

En 1995, des chercheurs de l’université d’Arizona et de la Smithsonian Institution se rendirent à l'université Yale pour analyser ce parchemin avec un spectromètre accélérateur de masse. Le résultat donna une date assez précise de 1434 ± 11 années, soit entre 1423 et 1445. Néanmoins, cette analyse publiée en 2002, ne donne aucune certitude quant à la carte elle-même. Elle est en effet considérée comme un faux par certains chercheurs qui estiment que si le parchemin est bien médiéval, l'encre est de composition moderne. À noter que ce débat sur le sujet de la modernité des encres utilisées demeure ouvert et animé entre chercheurs.

La carte indique précisément, en latin, le Vinland au nord-ouest de l'océan Atlantique ainsi que l'île de Saint-Brandan au milieu de l'océan. Le continent nord-américain présente distinctement l'estuaire et le Golfe du Saint-Laurent (nord-est/sud-ouest), ainsi que la baie d'Hudson et le détroit d'Hudson.