Date de dernière mise à jour : 06/10/2016
Ajouter un commentaire
Paralysie du sommeil, le cauchemar mythique
La « paralysie du sommeil » est un trouble du sommeil qui advient à l’endormissement (état hypnagogique) ou au réveil (état hypnopompique). Caractérisée par l’impossibilité de bouger ou de parler, elle est souvent associée à une sensation de présence inquiétante et à des hallucinations. L’état de paralysie dure généralement de quelques secondes à plusieurs minutes.
C’est un trouble du sommeil relativement fréquent : 20% de la population en aurait fait l’expérience, en particulier lors de l’adolescence.
Ce trouble qui survient lors d’états intermédiaires entre la veille et le sommeil se produit le plus souvent au moment du réveil matinal ou à la fin d’une sieste au cours de la journée. La paralysie peut se produire quelle que soit la position du corps, mais elle a lieu plus fréquemment quand le dormeur est étendu sur le dos.
Dans cette condition, le dormeur qui se réveille se sent complètement paralysé, incapable de bouger les membres, de parler ou de crier. Cet état désagréable peut durer de quelques secondes à plusieurs minutes. L’expérience est souvent d’autant plus mal vécue que, dans les deux tiers des cas, elle s’accompagne d’hallucinations hypnagogiques visuelles ou tactiles. Aussi elle est souvent associée à une intense sensation d’épouvante et de terreur.
Le Cauchemar, par Heinrich Füssli
Le Mécanisme de la paralysie du sommeil
Durant la phase de sommeil paradoxal (sommeil avec rêves), le corps est paralysé. Cette atonie musculaire, visant à nous empêcher d’agir pendant nos rêves, est la conséquence de l’inhibition des motoneurones spinaux par un neurotransmetteur, la glycine. Normalement, les hormones se dissipent avant la fin du rêve et avant le réveil. Dans de rares cas cependant, les hormones continuent à annihiler les fonctions motrices du corps lorsque la personne est éveillée : celle-ci se retrouve paralysée. Sous l’emprise de la peur, le cerveau, encore dans un état de conscience intermédiaire entre le songe et l’éveil, essaie de trouver une explication à cette paralysie et produit l’entité ou la présence effrayante.
La plupart du temps, le seul fait d’expliquer le mécanisme de la paralysie du sommeil aux personnes qui en souffrent fait non seulement disparaître la peur mais aussi les hallucinations associées.
D’un point de vue clinique, la paralysie du sommeil est un des symptômes de la narcolepsie (un trouble du sommeil où le sujet s’endort de manière incontrôlée). Toutefois, de nombreuses personnes sont affectées de paralysie du sommeil sans être atteintes de cette maladie. Plusieurs études montrent que 20 à 30% de la population a expérimenté au moins une fois dans sa vie une forme légère de paralysie du sommeil, en particulier lors de l’adolescence.
Les causes habituellement associées à la paralysie du sommeil sont la fatigue, le stress, l’anxiété, un changement soudain dans les habitudes quotidiennes (déménagement, changement de travail) ou une mauvaise hygiène de sommeil (horaires de sommeil irréguliers).
Différents niveaux d’hallucinations
L’inconvénient principal de la paralysie du sommeil réside dans les hallucinations éventuelles et l’effroi qu’éprouvent les personnes affectées.
Lorsque la paralysie est accompagnée d’hallucinations hypnagogiques, il existe plusieurs degrés d’hallucination, pouvant varier de l’illusion fugace à l’hallucination complète où la personne est convaincue d’avoir vécue une expérience réelle. Dans les deux tiers des cas, les personnes éprouvent juste la sensation d’une présence ou d’une entité. Cette présence est la plupart du temps « ressentie », le sujet ayant l’impression qu’elle est hors du champ de vision, debout dans la pièce ou assise sur le lit. Parfois cette présence paraît inquiétante, inquisitrice ou maléfique. Plus rarement, elle peut se montrer agressive, et s’asseoir sur le torse du dormeur pour essayer de l’étouffer ou de l’étrangler. Partout dans le monde, en Occident comme en Orient, ce phénomène a donné naissance à diverses représentations : Old Hag (la vieille sorcière) en Amérique du Nord ; incubes et succubes en Europe ; le Broyeur d’os dans les pays baltes, etc.
D’autres types d’hallucinations sont parfois rapportées : sonores (craquements, claquements dans la tête ou la nuque, bruits secs, bangs, sonneries) ; tactiles (contacts physiques, sensation d’être tiré par les pieds, vibrations dans le corps, tremblements) ; visuelles (tâches lumineuses, auras, boules de lumière, perception des objets dans le noir) ; kinesthésiques (sensations de flottement, de chute ou d’expérience hors du corps).
Mis à part le coté dérangeant des impressions décrites plus haut pouvant engendrer du stress et de l’anxiété, la paralysie du sommeil ne présente pas de réel danger.
Dans le folklore :
Parallèlement à la littérature médicale se développent, à toutes les époques et tout autour du monde, de nombreuses croyances populaires attribuant à des interventions d'origine surnaturelle ou des phénomènes extraordinaires les manifestations hallucinatoires de la paralysie du sommeil.
Durant l'Antiquité, les médecins grecs dénonçaient les superstitions qui voyaient en l’ephialtes l'agression d'esprits des morts, de satyres ou de la déesse Hécate, nécessitant des rites propitiatoires.
Les Romains appelleront cette forme de cauchemar incubus (signifiant « couché sur »). Le terme désignera aussi l'agresseur nocturne supposé, un démon masculin qui possède les femmes. À partir du Moyen Âge, la théologie chrétienne reprendra la notion d'incube et elle insistera sur sa composante sexuelle (qui semble pourtant assez rare, du moins de nos jours) : le débat portera moins sur la réalité du phénomène, admis comme étant l'œuvre de créatures diaboliques, que sur la possibilité donnée à celles-ci d'engendrer.
C'est encore un esprit maléfique qui est tenu responsable de l'agression en Allemagne, l’Alb, un elfe qui s'accroupit sur la poitrine du dormeur ; en Scandinavie et dans les Flandres, on évoque la Mare (mara ou mahr), à l'origine un spectre femelle malveillant du folklore scandinave. On retrouve ces racines dans l'étymologie des termes utilisés aujourd'hui pour décrire le cauchemar : Albtraum (rêve d'Alb) en allemand ; en suédois mardröm (rêve de Mare) ; nightmare en anglais et l'allemand Nachtmahr (Mare de nuit) ; en norvégien mareritt et en danois mareridt signifient chevauchée de la Mare.
Il en est de même en France, au Moyen Âge et durant la Renaissance, où les croyances populaires estiment que des vieilles femmes, des sorcières, des démons paralysent et maltraitent le dormeur. En Picardie on les appelle cauquemares (du vieux français caucher, « fouler », « presser », et toujours de la même racine mare, « fantôme », empruntée au moyen néerlandais par le picard). Le mot « cauchemar » en dérive. Dans le Lyonnais, on parle de cauquevieilles et dans le Languedoc de la chaouche-vielio (« la vieille qui écrase ») ; on utilise aussi le terme chauche-poulet.
On retrouve cette notion d'agresseur diabolique ou fantomatique, pesant sur le dormeur, dans les légendes et la terminologie du monde entier : en Chine, le phénomène est connu sous le nom de gui ya chuang « fantôme qui écrase [le dormeur contre] le lit » ; on l'attribue à la visite d'une vieille sorcière (Ag Rog ou Old Hag) à Terre-Neuve au Canada ; au Mexique, c'est la subida del muerto (le « mort qui monte dessus ») ; en Turquie, karabasan (le « gars noir ») ; en Algérie, on désigne ce phénomène sous le nom de jedma (« cauchemar »), bou berrak (« celui qui pèse de tout son corps sur le dormeur ») ou encore bou tlelis ; au Maroc, sous le nom de bough'tat (« celui qui te recouvre ») car on explique parfois le phénomène par la venue du « gars noir », d'une vieille femme ou encore d'un djinn écrasant de tout son poids la poitrine du dormeur. Au Japon, la paralysie de sommeil est désignée sous le nom de kanashibari, littéralement : « maintenu par une étreinte de fer », de kana (« métal ») et shibaru (« lier ») ; les Inuits appellent le phénomène augumangia en Inupik et ukomiarik en Yupik et l'attribuent aux esprits ; aux Antilles Françaises, c'est probablement l'origine de la croyance concernant les Soucougnans", en Guadeloupe, chiens volants qui peuvent pénétrer la nuit dans les cases pour épier les gens, ou les "dorlis" en Martinique qui sont des personnes se transformant en esprit ou en animal, qui peuvent parfois violer les jeunes femmes (encore de nos jours on trouve des ciseaux disposés sur la porte pour s'en protéger). Dans les croyances russes traditionnelles, les symptômes de la paralysie du sommeil ont été attribués à la colère du domovoï, l'esprit de la maison, punissant des personnes pour mauvais devoir conjugal ou trahison.
De nos jours, la paralysie du sommeil joue un rôle non négligeable dans les rapports d'événements en apparence paranormaux (poltergeists, « expériences hors du corps », visions de fantômes ou de démons) ainsi que dans les témoignages d'enlèvements par les extraterrestres.
Les personnes qui prétendent avoir été « abductées » (prises pendant quelque temps par des extraterrestres) seraient assez souvent sujettes à la paralysie du sommeil. Bien que communément admises dans le champ des troubles du sommeil, l'aspect purement médical est parfois remis en question face à une interprétation plus mystique par les sujets eux-mêmes. Les hallucinations -et non la paralysie- sont d'ailleurs vues comme de véritables attaques dans les milieux ésotériques où elles sont admises comme des manifestations réelles.
Dans Roméo et Juliette (1595), Shakespeare attribue à la reine des fées Mab, non seulement toutes les illusions des songes, mais aussi les impressions d'étreinte et d'écrasement, les associant à la position de sommeil sur le dos ; dans le Don Quichotte de Cervantes (1605), la servante Maritornes se réfugie dans le lit de Sancho Pança qui, « sentant cette masse sur son estomac, […] crut qu’il avait le cauchemar ». Dans le conte humoristique le Fantôme de Canterville d'Oscar Wilde (1891), le fantôme se propose de faire subir ce traitement aux nouveaux propriétaires du château.
Les descriptions les plus claires d'états de paralysie du sommeil se trouvent dans les nouvelles Le Horla (1887) de Maupassant et Le bras flétri (1896) deThomas Hardy.
Moins évidentes sont les évocations parfois citées des romans Moby Dick (1851) d'Herman Melville, Les heureux et les damnés (1922) de Francis Scott Fitzgerald ou de la nouvelle Les neiges du Kilimandjaro (1936) d'Ernest Hemingway.
Dans les arts plastiques, on citera essentiellement les différentes versions du tableau Le Cauchemar du peintre Heinrich Füssli et celui homonyme du peintre danois Nicolai Abraham Abildgaard (1800), qui représentent un démon assis sur le ventre d'une femme endormie. Cette scène inspira plusieurs autres œuvres, dont une sculpture d'Eugène Thivier. Dans le tableau La Nuit (1889-1890) de Ferdinand Hodler, le personnage central est effrayé par une forme cauchemardesque drapée de noir, accroupie sur lui.
Voir aussi :
1 - "Le cauchemar se caractérise chez un dormeur par une sensation d’étouffement et d’impotence associée à une vision onirique terrifiante. Entre la démonologie et la médecine, la notion moderne de cauchemar a peu à peu émergé au cours du XIXe siècle où on l’identifie finalement comme une crise d’angoisse nocturne provenant d’une passion amoureuse contrariée. On pense alors que les pulsions font retour dans et par le rêve et sont projetées dans l’agression subie d’un démon lubrique qui chevauche le dormeur. Au début du XXe siècle, Freud analysera le cauchemar comme un épisode psychotique réversible, constituant pour le sommeil ce que le délire est à la veille..."
Pour lire la suite : La figure mythique du cauchemar (222.16 Ko) http://crm.revues.org/
2 - "Cette thèse cherche à éclairer les représentations textuelles du « cauchemar », non pas considéré comme un mauvais rêve, mais comme un démon d'origine médiévale. Selon les sources, cet esprit envahit la nuit la chambre de ses victimes. Ensuite, il s'installe sur elles et oppresse leurs poitrines, en provoquant la paralysie, l'étouffement et même la mort des personnes endormies. Cet acte est un motif typique des traditions folkloriques européennes. Dans la tradition gréco?romaine, l' ephialtès et l' incubus semblent agir de la même manière. Notre étude se focalise sur les textes du Moyen Âge, où une abondance de textes divers (ecclésiastiques, littéraires et médicaux) témoigne d'une affinité entre les actions du cauchemar et celles d'un ensemble d'êtres fantastiques, comme les revenants, les elfes, les nains et les sorcières. A la lumière de ces premières constatations, cette étude examine les textes médiévaux en relation avec les traditions antiques, ainsi que les traditions qui apparaissent plus tardivement en Europe. La thèse contient trois parties: dans la première, elle met en évidence un démon ?archétypique, qui révèle un substrat étymologique et descriptif commun dans les différents extraits étudiés. Sa relation avec le genius loci, dont le caractère est double, bienveillant et malveillant à la fois, a un intérêt particulier. Les sources dressent le portrait d'un cauchemar qui n'est pas seulement un être démoniaque. En effet, il s’agit également d’un être qui apporte des richesses dans la demeure et à ses habitants. Dans la deuxième partie, la relation du cauchemar avec certaines divinités nocturnes de nature dualiste est démontrée, ainsi que son lien avec les Douze Jours de Noël. Finalement, dans la troisième partie, la thèse étudie un lien général qui apparaît entre le cauchemar, la sorcellerie, le cheval, le carnaval et surtout le Double et les traditions extatiques ? chamaniques européennes, afin de signaler en dernier lieu de quelle manière cette entité peut combiner des caractères multiples et différents.
Pour lire la suite : Le cauchemar mythique (8.19 Mo) https://tel.archives-ouvertes.fr/
Date de dernière mise à jour : 06/10/2016
Ajouter un commentaire
Le Seiðr, qui signifie littéralement « bouillonnement, effervescence », désigne un ensemble de pratiques shamaniques propres aux religions nordiques. Le Seiðr est, dans la mythologie nordique, l'initiation chamanique que Freyja apprit aux Ases, dont seul Odin serait devenu un maître. Cette forme de chamanisme serait si épuisante qu’il est « honteux pour un homme de la pratiquer parfaitement ». Le Seiðr est mentionné dans la Gylfaginning. Le Seiðr implique la transe et vise à percer les desseins des Nornes afin de connaître le destin (Wyrd ou Örlog), ou pour changer le shaman en animal. Dans la légende, c’est Freyja qui enseigna cette magie aux Ases.